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Comment motiver une classe de Troisième pour un rallye mathématique ?

Voilà une question que beaucoup d'entre nous se posent, alors que se met en place le rallye académique.
Autant il est généralement facile de lancer les cinquième et sixième dans la recherche gratuite de problèmes, autant cela devient problématique pour des élèves entamant la difficile période de l'adolescence, occupés et préoccupés de toute autre chose que de mathématiques, sans compter les stigmates déjà réels de l'échec scolaire pour certains.

Au collège Charcot, notre équipe a décidé cette année d'aborder frontalement la question ... en organisant un rallye interne au collège pour toutes les classes, rallye se déroulant sur six mois ! Les programmes étant ce qu'ils sont, notre objectif est d'amener le plus possible d'élèves à développer une activité de recherche en dehors de la classe. Motiver le travail scolaire par un travail supplémentaire, non "noté pour la moyenne", ce n'est pas gagné.

Première phase : lancer le jeu.
On ne peut pas dire que l'annonce du rallye déclenche l'enthousiasme des foules. Qu'est-ce qu'on gagne ? Est-ce que ça va compter dans la moyenne ? sont les questions les plus fréquentes.
L'une de nous suggère de faire passer dans toutes les classes une épreuve de qualification. Pour entrer dans le jeu, chaque classe doit "faire six", entendez gagner au moins six points dans une recherche collective de problèmes.
On décide pour cela de donner dans chaque classe, cinq problèmes à 1 point, estimés faciles, quatre problèmes à 2 points, et trois problèmes à 3 points, chacun en deux exemplaires.
La règle choisie est assez proche de celle du rallye académique, à cela près qu'il y a moins de problèmes, et que la classe a droit à deux essais pour chacun d'eux. Dès qu'ils pensent avoir résolu un problème, les élèves proposent leur solution, et rendent la fiche correspondante. En cas d'erreur, la fiche est "perdue", mais il reste une seconde chance.
Le professeur a pour seul rôle de donner la règle du jeu et de valider les réponses. Il ne donne aucune indication.
Pour ma part, j'ai affaire à une classe de troisième composée de 29 élèves sympathiques, d'assez bonne volonté mais peu enclins à se sacrifier sur l'autel du travail, et, à vrai dire, les résultats scolaires ne sont pas brillants pour la plupart.
Le jour dit, les élèves se répartissent, selon leurs affinités, par groupes de 3 ou 4. Après une brève présentation des problèmes ( un pb géométrique à 1 pt, un pb de logique..), ils se jettent littéralement sur les énoncés et chaque groupe étale son butin sur sa table. Le choix est cependant assez rapide. Je remarque que les problèmes à 3 points sont les plus investis.
Très vite, je suis l'objet de tentatives de subornation : est-ce que la solution, par hasard, ne serait pas, ou pas loin de ??? je dois rappeler que je garde la fiche dès lors que l'on me propose une solution. Il n'empêche, les réponses fausses commencent à affluer, et le tas de fiches disponibles à diminuer. Deux solutions sont trouvées, j'affiche les scores au tableau : 5 points. Tout va bien.
Au fond de la classe, un groupe de quatre copains s'offre une bonne séance de farniente, que je ne dirai pas très mérité. Un autre groupe de quatre garçons est un peu bruyant, ils ont une fiche pour 4, et deux d'entre eux ont tendance à l'accaparer. Aucun n'a l'idée de recopier l'énoncé pourtant pas très long. Il est vrai que la compréhension de cet énoncé leur pose problème. Ils mettront presque l'heure à se l'approprier.
Il s'agit du problème 42 du recueil récemment édité à l'IREM : Cinquante problèmes (et plus si affinités)...

En pliant une feuille de papier en deux parties égales, dans le sens de la longueur, j'obtiens un rectangle de périmètre 48 cm. Si je plie la même feuille de papier dans le sens de la largeur, j'obtiens un rectangle de périmètre 30 cm. Quelles sont les dimensions de la feuille de papier ?

Ils mettent un certain temps à réaliser qu'il faut déplier la feuille pour essayer le pli dans l'autre sens. Le sacrifice d'une double feuille de cahier ( déjà pliée dans le sens de la largeur) les aide à se mettre d'accord. Ils entament ensuite des essais à la calculatrice sans l'aide d'aucun schéma ou support écrit, sans succès, on le devine. Leur énergie reste cependant intacte.

Voilà un bon problème ! A ressortir en cours d'année...

Un groupe de 3 filles s'est attaqué avec confiance et énergie à un pb tiré du fichier Evariste de l'APMEP. "Pythagore", ça on sait faire !
Hélas, trois fois hélas, lorsqu'elles viennent, pleines de confiance, rendre leur solution, le verdict tombe comme un couperet : les points sont perdus. Un splendide cercle vicieux domine les calculs. Comme trop souvent, le théorème de Pythagore a été utilisé pour calculer une des longueurs dans le triangle, puis sa réciproque pour démontrer que le dit triangle est bien rectangle.

Le temps passe, et quelques élèves commencent à s'inquiéter du score final. Toutes les énergies se concentrent sur un problème à 1 point :

Comment partager un camembert en huit parts égales en trois coups de couteau ?

Ce sera sans succès. Assez curieusement, ce problème n'est réussi que dans les petites classes, sixième et cinquième. A y regarder de plus près, cela n'a rien d'étonnant. Les plus jeunes cherchent des solutions réalisables avec un vrai camembert et un couteau de cuisine, les plus âgés modélisent le camembert, mais en disque, pas en cylindre.
La sonnerie retentit et l'inquiétude est à son comble: la classe a seulement cinq points. Au tout dernier moment, lorsque la classe suivante commence à piétiner à la porte, un élève trouve enfin un autre problème à 1 point.
Les élèves crient de joie. Le prof respire.
Le lendemain, question : sommes-nous bien qualifiés ? je les rassure. Certains sont un peu vexés devant les scores des autres classes. En guise de conclusion, je distribue un petit questionnaire d'évaluation sur la séance.

Deux points forts : ils apprécient beaucoup le travail de groupe, et ils sont massivement partants pour le rallye académique.
Comme me l'a dit l'un d'eux, on va leur montrer ce dont on est capable!
Chiche !

A suivre ...